À L’AUTOMNE
Moi aussi, j’ai bien envie, quand tout enfant déjà, je rêvais de fées. Aujourd’hui, elles s’appellent Prune et Mirabelle. Les lutins Kiwi et le grand Rhubarbe se gîtent dans leur tanière. Je ne conterai pas les deux petites lutines dans leur abri sous les feuilles brunes.
Sur la balançoire, sous les noisetiers, la musique m’entraîne sur des ondulations au milieu des flammes. Ses rayons rouge et or, d’une lettrine ouvragée de :« Il était une fois » ou dans mon grimoire lourd de malice, envoûte les âmes et perturbe les esprits.
Il était une fois, le temps encore pluvieux, je me réfugiais dans la bibliothèque offerte à mon avidité. Je trouvais la pomme et non pas un jeu de société.
– Une pomme de pin ?
– Non une pomme à croquer ! Je suis païenne. Je suis partie sur la piste fraîche de la chasse, de la peau dorée.
Sur le petit banc adossé aux noisetiers, je regarde les feuilles rouillées tombées. Je ferme les yeux, aucun signe secret lié aux apprentis sorciers. Belle comme nulle part, la nature m’offre seulement le gris du ciel. Les mains dans les poches, je marche seule dans les fougères.
J’écaille une pomme de pin oubliée par un écureuil. Son parfum me rappelle l’odeur de ces vieux livres retrouvés parmi les humus mêlés de légende et la réalité des bois. Je vais écrire encore quelques chapitres avant que le soleil ne glisse dans un terrier.
Moi aussi, j’ai bien envie de goûter l’automne avant l’hiver. Avant que cette aventure ne se fonde sur les murs enflammés, s’y dessine en ombre chinoise les corps et qu’y jaillisse la vie, dans cet étrange royaume d’escargots. Le temps s’écoule délicatement. Je me faufile, à la dérobée des pages. Je vais refermer le livre, illusion d’un romantique automne. Je vais moi aussi croquer la pomme. Je vais rejoindre mon paladin, sur le parcours mouvant des quêtes.
Refuge réel ou monde intérieur imaginaire, la céphalée n’est pas loin…