BOITE À LETTRES

Julie Rauches, la femme dont j’ai fait la connaissance à Rouen, intéresse toujours Boutange. Elle connaît une autre filière possible d’évacuation pour aviateur en détresse. Boutange ne veut pas la rencontrer, je serai leur intermédiaire. Pourtant, il sert de boîte à lettres pour lui envoyer des messages. Il ne rencontre pas Julie, mais sa mère qui transmet les missives.
Lui et moi ; nos rendez-vous d’été amoureux secret, dans un café près de la gare Saint-Lazare, nos mains liées de codes éclipsent la résistance.
Marie-Christine continue toutes ses occupations, ses études, les services à la maison et rattrape ses cours de couture chez madame Lainé à Paris.


◃ Revolver
Vacances ▹


Cet article a été posté dans *histoire et taggé #1942, #boîteàlettre, #julierauches, #rouen, #boutange, #saintlazare, #lainé, #mariechristine ღ 48 le 15 juillet 1942


REVOLVER

Je continue toujours mes allées et venues à Paris, chez ma tante Huguette, mon vélo pour compagnon.
Institutrice, j’accède aux musées comme privilégiée, dans un lieu de pèlerinage et de solitude. J’ai dû être repérée par d’autres résistants, je ne saurai le dire, une femme s’assied à mes côtés. Son accent trahit sa nationalité Américaine, elle m’offre un vieux chiffon et me fait signe de le glisser dans mon sac. J’exécute le geste en devinant au toucher une arme à feu.
Nous avions rencontré avec mon oncle Jean, une fois à Paris des jeunes gens de Noyon. Nous nous revîmes chez mes amis, rue Saint-André des Arts. D’eux, je reçus de nouvelles instructions. Je devrais m’envelopper d’une bande le poignet gauche en tenant mon vélo la prochaine fois.
Un homme mûr m’accoste reconnaissant ma main et mon vélo. Il se présente comme monsieur de Méthylène. Il m’escorte un bout de chemin silencieux. Je guide mon vélo, lui les mains dans les poches. Nous deux proche sur le trottoir. Les quelques mots échangés sur notre trajet furent : « Bonjour mademoiselle Fleur de Rose ; nos chemins se séparent ici ; bonne chance, adieu Fleur de Rose. » Il me conduit à un champ d’entraînement. Apprendre à manier mon revolver et à tirer. Bien décidée à ne jamais l’utiliser.


◃ Aviation 2
Boîte à lettres ▹


Cet article a été posté dans *histoire et taggé #1942, #revolver, #huguette, #fleurderose, #méthylène, #campdentrainement, ღ 47 le 07 juillet 1942


AVIATION 2

Je secoure une nouvelle forteresse volante descendue dans les environs. Cette fois deux parachutistes (un Anglais et un Américain) tombés à Senantes, un couple de fermiers les accueille et les cache depuis trois ou quatre jours. Jugeant leur présence dangereuse, ils souhaiteraient les faire disparaître.
Monsieur Tarbouif me demande de l’accompagner et nous partons à la nuit tombée en calèche, jusqu’à la ferme. Les aviateurs se dissimulent dans la paille de la grange. L’un deux a la tête blessée par son casque, enfoncé jusqu’aux yeux au moment de la chute, difficile de l’en débarrasser. Nous repartons très vite, laissant les fermiers soulagés. La nuit se rafraîchit, l’un des garçons me met sa veste sur les épaules. Délicate attention ! Le comte jette un œil de travers au garçon. Je leur donnerais la trentaine passée comme le comte. Rapidement, le cheval nous amène à la ferme du Demanet où nous finirons la nuit. Les trois hommes dorment dans la prairie derrière la ferme. Moi, dans l’étable, surprises de ma présence, les deux bovines me regardent étrangères. Au lever du jour, je réveille les dormeurs dans la brume. Les jours suivants, nous les logeons dans une cabane à outils, abandonnée dans les champs.
Dans la journée, je retourne à Gournay embrasser la maisonnée et chercher des vêtements pour mes compagnons.
Une semaine passe à la demande de monsieur le comte, je lui rends visite à l’heure du thé. Je lui remet les nouveaux papiers d’identité. En repartant, nous feignons une dispute, les buissons dissimulent peut-être des yeux et des oreilles indiscrètes.
Le départ est prévu dans deux jours. Nous prendrons le train de Paris à six heures du matin. La route est longue. Le départ difficile. Mes deux compagnons refusent de démarrer avant d’avoir achevé leur cigarette. Ils veulent également recevoir l’absolution d’un prêtre, mais c’est impossible. Est-ce une fuite devant la peur de ce qui les attend ? Véritable course contre la montre avec le plus jeune qui perd sans cesse son pantalon. De plus, ils se disputent constamment, débattant longuement pour savoir qu’elles étaient les meilleures escadrilles : les Anglaises ou les Américaines. Soudain, nous croisons les Tabuteau.
Que font-ils sur cette route de campagne si tôt ? Auraient-ils une attirance spéciale pour le château du Demanet ? Serions-nous eux et moi destinés à nous croiser dans des circonstances ou à des heures anormales ? Nous avons bien couru ; le train arrive. Au portillon, nous attendons le chef de gare. Une fois installée, je recommande aux garçons de bouger de leur siège que si je quitte ma place. Le train démarre. Pontoise ; ruée de voyageur.
Une dame âgée se trouve sans place assise, instinctivement, je lui cède ma place, oubliant, mes deux compagnons. Comme deux flèches mes deux garçons se ruent pour sauter sur le quai. Je les rattrape et leur chuchote en anglais de rester tranquille, et c’est ensemble, Dieu merci, que nous parviendrons à Paris. Un guide nous attend, il nous précède et nous mène chez une vieille Abbesse qui va les recueillir. Ils regagnent l’Angleterre, par les camps d’aviation clandestins du nord de la France.
Entre temps, la classe continue, pendant mes absences, madame Logan ou madame Clément me remplace, le docteur Gouspin a eu la géniale idée de me trouver une maladie pulmonaire. Mes escapades en dehors de mes cours sont excusées, je dois garder la chambre. L’idée m’est venue d’utiliser le matériel scolaire pour signifier les missions que j’aurai à accomplir : copies ou cahiers seront les aviateurs en détresse, les dates fixées pour aller les chercher seront décalées. Ce code de professeur masque parfaitement les informations ou les instructions que je reçois.


◃ Libéré
Revolver ▹


Cet article a été posté dans *histoire et taggé #1942, #aviation2, #comtetarbouif, #vieilleabbesse, #logan, #clément, #paris, ღ 46 le 27 juin 1942